Cet article fait partie du Guide de survie à Bruxelles.
Un hémicycle renouvelé implique de nouvelles têtes. POLITICO vous fait découvrir les figures clés du paysage politique européen. Suivez le guide.
Céline Imart
LA DISRUPTRICE DE L’AGRICULTURE
Parti populaire européen, France
Céréalière originaire d’Occitanie, Céline Imart est membre de la FNSEA et diplômée de Sciences Po Paris. Celle qui a participé au blocage de l’autoroute A68 lors du mouvement des agriculteurs en début d’année, selon les médias locaux, rejoindra probablement la commission de l’Agriculture à Strasbourg. Figurant en deuxième position sur la liste des Républicains aux européennes, elle a d’abord soutenu l’alliance avec le Rassemblement national orchestrée par Eric Ciotti aux législatives, avant de s’en désolidariser.
Céline Imart estime que le plan de l’Union européenne pour rendre l’agroalimentaire plus durable — la stratégie “de la ferme à l’assiette” — est un “délire” de l’eurodéputé macroniste et ancien président de la commission de l’Environnement, Pascal Canfin. La céréalière a également déclaré à Libération que les agriculteurs sont “exaspérés par les normes” et en colère contre “la folie de la décroissance”.
— Paula Andrés
Johan Van Overtveldt
L’INFLUENCEUR BANQUE
Conservateurs et réformistes européens, Belgique
Stricto sensu, la Banque centrale européenne (BCE) jouit d’une indépendance vis-à-vis du politique, conformément aux traités. Mais s’il y a quelqu’un qui a une chance d’influencer le cours futur de la politique de Francfort, c’est bien l’ancien journaliste et ex-ministre belge des Finances Johan Van Overtveldt. Ses critiques acerbes des tentatives de la BCE de verdir son action pourraient bientôt avoir plus de poids, en raison de la montée en puissance de son groupe politique, globalement climatosceptique, les Conservateurs et réformistes européens (CRE).
Membre dynamique et prolifique de l’influente commission des Affaires économiques et monétaires, le Belge se plaint depuis longtemps du virage vert controversé de la BCE sous la direction de Christine Lagarde. Malgré son indépendance, l’institution est contrainte de soutenir la politique économique de l’UE, et elle ne pourra pas ignorer un éventuel coup de barre à droite qui s’éloignerait des objectifs de net zéro, sous l’impulsion de responsables politiques comme Johan Van Overtveldt.
S’il reste président de la commission des Budgets, il aura également son mot à dire dans l’application des règles budgétaires de l’UE, qui ont des implications considérables pour la politique monétaire.
— Ben Munster
Andreas Schwab
CELUI QUI TIRE LES FICELLES DE LA CONCURRENCE
Parti populaire européen, Allemagne
C’est un vétéran du Parlement européen et un élu influent sur tout ce qui touche aux questions d’antitrust et tech. Andreas Schwab a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration de la loi phare de l’Union européenne sur les marchés numériques : le Digital Markets Act. Désormais, les gouvernements du Royaume-Uni, du Japon et de la Corée du Sud se dotent de leur propre version afin d’endiguer la domination des grandes entreprises de la tech. Il est également l’un des rares membres du Parlement européen à avoir fait la une des journaux internationaux en 2014, lorsqu’il a appelé la Commission européenne à envisager le démantèlement de Google.
— Edith Hancock et Giovanna Faggionato
Marie-Agnes Strack-Zimmermann
LA POIDS LOURD DE LA DÉFENSE
Renew Europe, Allemagne
Parmi ceux qui entrent dans l’hémicycle pour la première fois, la trublionne libérale allemande Marie-Agnes Strack-Zimmermann bénéficie d’une certaine notoriété.
En effet, l’ancienne présidente de la commission de la Défense du Bundestag a été affichée sur d’immenses panneaux dans toute l’Allemagne, et au-delà, à l’approche des élections européennes, depuis qu’elle a été placée en tête de liste pour le groupe Renew.
Malgré une campagne bien moins étincelante, Strack-Zimmermann est en passe de devenir l’une des grandes figures de cette législature, avec son expérience et compte tenu de la guerre en Ukraine.
La native de Düsseldorf est très attachée à la défense, ayant étudié sous toutes les coutures la politique militaire allemande et ses approvisionnements au cours des dernières années. Elle n’a pas hésité à rompre les rangs avec le gouvernement (dont est membre sa formation le Parti libéral-démocrate, FDP) à cause de l’incapacité de celui-ci à envoyer des missiles de croisière Taurus à l’Ukraine.
Il faut s’attendre à ce que Strack-Zimmermann joue un rôle majeur dans le débat sur la création d’une commission Défense à part entière au sein du Parlement européen.
— Joshua Posaner
Pascal Canfin
LE PILIER VERT
Renew Europe, France
En tant que président de la commission de l’Environnement du Parlement européen au cours des cinq dernières années, Pascal Canfin a joué un rôle essentiel dans l’édification de nombreux piliers du Pacte vert de l’UE. Le Français a déclaré à POLITICO qu’il souhaitait conserver ce rôle. Mais il fait face à des vents contraires politiques plus forts cette fois-ci — la situation s’est dégradée à la fois dans l’UE et en France sur l’écologie.
Ancien eurodéputé des Verts avant de rejoindre le parti d’Emmanuel Macron en 2019, Pascal Canfin insiste sur le fait que les élections européennes n’ont pas produit “une majorité pour démanteler le Green Deal”. Certes, mais la droite européenne est en train d’aligner au moins quelques cibles vertes qu’elle veut dégommer. Et ne vous attendez pas à beaucoup de nouvelles législations environnementales.
— Nicolas Camut, Cory Bennett
Stéphanie Yon-Courtin
LA NÉGOCIATRICE EN FINANCE
Renew Europe, France
Stéphanie Yon-Courtin s’est fait connaître comme l’une des eurodéputées les plus controversées de la commission des Affaires économiques et monétaires au cours de la précédente législature, en raison de son style de négociation peu orthodoxe et de sa position favorable à l’industrie en ce qui concerne les règles européennes de protection des épargnants.
Son élection s’est jouée à un cheveu : elle figurait en 13e position sur la liste Besoin d’Europe du camp d’Emmanuel Macron qui, après sa lourde défaite face au Rassemblement national, a remporté tout juste 13 sièges.
Elle, qui travaillait pour Crédit agricole jusqu’à son élection en 2019, a aussi suivi les dossiers sur les géants de la tech lors de son premier mandat et devrait probablement garder le leadership sur celui de la protection des épargnants. Celui-ci se dirige vers les négociations finales avec les gouvernements de l’UE et la Commission.
La Française se positionne également pour participer à l’effort de sécurité économique de l’UE et a fait l’éloge des nouveaux droits de douane sur les véhicules électriques chinois, déclarant que “l’Europe pragmatique au cœur des territoires, c’est l’engagement de [son] mandat”.
— Kathryn Carlson
Vytenis Andriukaitis
LE DÉFENSEUR DE LA SANTÉ
Socialistes et Démocrates, Lituanie
Né en Sibérie de parents exilés, Vytenis Andriukaitis retourne en Lituanie et devient chirurgien cardiologue et traumatologue. Malgré ses fonctions, son parcours professionnel l’a conduit à la politique, où il a adopté une ligne de gauche. Il a conservé son expérience dans le domaine médical et est devenu ministre de la Santé de Lituanie en 2012.
Deux ans plus tard, il a quitté la politique nationale pour rejoindre Bruxelles en tant que commissaire chargé de la Santé et de la Sécurité alimentaire, où il a mis en place une réglementation sur les dispositifs médicaux, qui a causé pas mal de maux de tête à l’industrie et aux patients.
Depuis 2020, il est envoyé spécial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la couverture santé universelle dans la région Europe. Il plaide pour étendre le rôle de l’UE dans le domaine de la santé et critique la “faiblesse” du traité de Lisbonne en la matière.
— Giedre Peseckyte
Adina Vălean
LA SPÉCIALISTE DES TRANSPORTS
Parti populaire européen, Roumanie
L’actuelle commissaire aux Transports, Adina-Ioana Vălean, devrait laisser son portefeuille pour rejoindre l’hémicycle, ce qui ne sera pas nouveau pour elle. En effet, la Roumaine a siégé au Parlement pendant plus de dix ans, occupant des postes importants tels que vice-présidente et présidente des commissions Environnement et Industrie-Energie.
Alors que son pays pourrait la choisir à nouveau comme commissaire, ses chances d’un second mandat au Berlaymont semblent minces. Toutefois, son expérience dans le secteur des transports devrait jouer en sa faveur lorsque les groupes politiques attribueront les principaux postes et dossiers de la nouvelle législature. Par ailleurs, la présidence de la commission Transports reste vacante, l’Ecologiste française Karima Delli ne s’étant pas présentée à sa réélection.
Au cours des cinq dernières années, Adina Vălean a dû négocier des dossiers délicats concernant les secteurs routier, ferroviaire, maritime et aérien. Elle a également dû faire face à la fermeture des frontières au sein du marché unique en raison du Covid et de la guerre en Ukraine, et participer à la mise en place de voies de solidarité avec Kiev.
— Tommaso Lecca
Peter Liese
LE SOLDAT DE L’INDUSTRIE
Parti populaire européen, Allemagne
Plusieurs mesures du Pacte vert ont des cibles dans le dos en ce moment — et Peter Liese est l’archer en chef du PPE. Immédiatement après que son groupe a revendiqué la victoire aux européennes, cet homme politique de haut rang a déclaré que l’interdiction de la vente de voitures à moteur thermique en 2035 “devait disparaître”, arguant que les résultats des élections justifiaient les efforts de son parti en faveur d’un Pacte vert moins contraignant.
Il a également mené la charge contre la nouvelle loi européenne de restauration de la nature — qui a été affaiblie avec succès au Parlement et qui est passée de justesse au Conseil —, et contre la révision de celle sur les produits chimiques, qui était attendue depuis longtemps et qui a été reportée.
Le projet d’élimination progressive des “polluants éternels”, omniprésents et toxiques, est également dans sa ligne de mire : il a fait un intense lobbying auprès de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, pour qu’elle garantisse des exemptions.
Bruxelles devrait “réduire toute la législation qui fait obstacle à la décarbonisation”, a-t-il défendu lors d’un entretien à POLITICO. Les entreprises applaudissent, les ONG de protection de l’environnement grimacent.
— Leonie Cater
Aura Salla and Dóra Dávid
LES META STARS
Parti populaire européen, FinlandeParti populaire européen, Hongrie
Toutes deux sont nouvelles au Parlement européen et toutes deux ont ou ont eu des liens avec le géant américain de la tech Meta.
En tant que principale lobbyiste du groupe à Bruxelles entre 2020 et 2023, Aura Salla avait l’habitude de présenter aux responsables et parlementaires européens les préoccupations de Meta. L’année dernière, elle est devenue parlementaire en Finlande, son pays d’origine.
Dóra Dávid est la conseillère produit de l’entreprise, mais elle vient d’être élue en Hongrie, pour le parti de Péter Magyar, rival de Viktor Orbán.
Cela signifie-t-il que Meta a une porte d’entrée facile à Strasbourg ? Pas nécessairement, mais Aura Salla a déjà fait savoir qu’elle souhaitait réduire la “surréglementation” de la tech afin d’aider les PME finlandaises.
— Pieter Haeck
Bernd Lange
LE PRO DES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE
Socialistes et Démocrates, Allemagne
Figure clé de la politique commerciale au Parlement européen, Bernd Lange a été élu président de la commission du Commerce international pour un troisième mandat.
Cet eurodéputé chevronné (réélu à chaque élection depuis 1994, sauf en 2004), et amateur de voitures de collection a conservé son siège malgré les lourdes pertes subies par sa formation politique, le Parti social-démocrate allemand (SPD), figurant en quatrième position sur la liste.
Fervent partisan de nouveaux accords commerciaux avec le Mercosur, l’Australie et l’Indonésie — et aussi de davantage de clauses en faveur du développement durable —, le parlementaire est membre de la délégation de Strasbourg pour les relations avec l’Asean (l’accord avec l’Asie du Sud) et expert des relations transatlantiques.
— Antonia Zimmermann
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.